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Ils disparaissaient vers Funchal

Il y a quarante ans, jour pour jour, un avion de la SATA, une compagnie genevoise, s’écrase en mer au large de Madère, une île portugaise proche du Maroc. L’avion est parti de Zurich, avec escale à Genève, et se dirige vers l’aéroport de Funchal. Peu après 20 heures, la Supercaravelle manque son approche, percute les flots et se disloque. Des 57 passagers, 36 périssent. Les autres s’échappent de la carlingue et se débattent plus d’une heure dans l’eau froide avant d’être secourus par des pêcheurs. La SATA ne s’en relèvera pas. Expérience unique de l’aviation genevoise, la société qui défia Swissair avec ses vols charter disparaîtra peu après. Jean-Charles Heritier était commandant de bord à la SATA. Aujourd’hui âgé de 74 ans, il se souvient de ces jours dramatiques. C’est lui qui fut chargé de rapatrier les rescapés. «Ce vol du 18 décembre, j’aurais dû le faire. Mais le planning a été modifié quelques jours plus tôt. On l’a attribué à un pilote qui devait s’initier à cet aéroport avec un instructeur. Car Funchal est une piste très difficile. Il faut y avoir atterri une fois de jour avant de pouvoir de s’y poser de nuit. Ce devait être un vol diurne, mais il a eu du retard au départ de Zurich. Les pilotes sont quand même partis.» C’est donc de nuit que l’appareil commence son approche de Funchal. «C’est comme se poser sur un porte-avions, explique Jean-Charles Heritier. L’aéroport est bordé de montagnes escarpées et de falaises, les vents sont violents. Il faut contourner la piste sans la perdre de vue tout en virant à 180 degrés en maintenant l’altitude.» Une approche délicate, qui fut fatale. L’appareil s’écrase à cinq kilomètres des côtes. «On m’a appelé dans la soirée pour m’annoncer que l’avion avait disparu. À bord d’une Caravelle, nous sommes partis le matin avec des responsables de la SATA et de l’Office fédéral de l’aviation. Ce n’est qu’une fois arrivés sur place que nous avons eu la confirmation de la catastrophe.» Le pilote assurera le vol du retour avec les rescapés. Sauf sept personnes qui préfèrent poursuivre leurs vacances. «Un petit garçon a demandé à visiter le cockpit. À brûle-pourpoint, il m’a dit: «Mes parents n’ont pas réussi à décrocher leur ceinture, ils ont coulé.» Les pilotes auront la vie sauve. Sept ans plus tard, ils sont jugés par la Cour correctionnelle de Genève. Ils plaident l’acquittement. Selon eux, ils ont été induits en erreur par la tour de contrôle et par un altimètre défectueux. Les juges retiennent au contraire des erreurs de pilotage et condamnent lourdement: deux ans ferme pour l’instructeur, dix-huit mois avec sursis pour le pilote. Mais leur recours en cassation fait déborder la procédure au-delà de la prescription: ils ne purgeront jamais leur peine. Cet épisode marque le début de la fin pour la SATA. Fondée en 1966, cette petite compagnie joue les trublions. Elle est active dans le charter, mais remplit aussi des missions humanitaires. «J’ai participé aux évacuations après la chute de Saigon, raconte Jean-Charles Héritier. Et durant deux mois j’ai fait la navette entre Luanda et Lisbonne quand le Portugal a perdu l’Angola.» En automne 1977, des pilotes tentent de sauver la société qui se débat avec des difficultés financières. «Des cadres de Swissair m’ont invité à Zurich. Ils m’ont dit que la SATA, en faisant des long-courriers, avait été trop loin. Quelques jours plus tard, ils reprenaient la société et la rebaptisaient dans la nuit CTA. C’était la fin de l’aventure.» En 2011, des plongeurs ont retrouvé l’épave de la Supercaravelle au large de Funchal, à 104 mètres de profondeur. (TDG). A retrouver sur le site de Pilotage Avion.

La rupture commerciale

Pendant huit années, l’entreprise Yves Dorsey a confié en sous-traitance une mission de vérification de la qualité d’une production de chemises au Bangladesh. La rémunération du sous-traitant était une commission sur le volume des commandes. Face à une baisse des ventes liée à la crise que traversait le secteur du textile, Yves Dorsey a réduit sa production et par la même occasion, cette entreprise a réduit le volume de sa sous-traitance tout en proposant une aide financière à son sous-traitant afin de l’aider à traverser cette crise. Le sous-traitant a néanmoins considéré que cette baisse de commande était fautive et il a assigné Yves Dorsey pour rupture brutale, partielle mais brutale, d’une relation commerciale établie. Une demande de dommages et intérêts était à la clé ! Saisie de ce litige, la cour d’appel de Paris a rejeté toutes les demandes du sous-traitant (Paris, 11 février 2016). Le débat a alors été porté devant la chambre commerciale de la Cour de cassation. Le pourvoi a été rejeté par la Cour de cassation qui a relevé que « la cour d’appel a pu retenir que la baisse des commandes de la société Dorsey, inhérente à un marché en crise, n’engageait pas sa responsabilité. » (Cass. com., 8 nov. 2017 n° 16-15.285). Le sous-traitant s’appuyait pourtant sur les dispositions de l’article L. 442-6, I, 5° du code de commerce selon lesquelles « engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (…) de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. (…) ». Oui, mais non. Pour que ce texte trouve à s’appliquer, faut-il encore que la rupture de la relation commerciale soit le fait de l’entreprise. Or, en l’espèce, Yves Dorsey subissait une baisse de ses ventes, il était donc légitime de réduire d’autant ses commandes ! Sa responsabilité ne pouvait pas être engagée… La Cour de cassation a décidé de donner à cet arrêt de rejet une portée importante et elle a décidé de le publier au Bulletin civil de la Cour de cassation, sort réservé aux décisions faisant jurisprudence.