Des taux multiples, pour des logiques parfois curieuses: 60 ans après sa création, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), premier impôt en France en termes de rendement, a perdu de sa lisibilité en raison des dérogations souvent coûteuses qui lui sont appliquées. L’eau ou le jus d’orange ‘ Des produits de première nécessité, bénéficiant d’une TVA de 5,5%. Le dentifrice ou le savon’ Des produits nécessaires également mais une TVA de 20%. Le beurre ‘ De la graisse animale, donc 5,5%. La margarine ‘ De la graisse végétale… donc 20%. La TVA, qui représente plus de la moitié des recettes de l’Etat français, « est un impôt simple dans son principe mais en pratique de plus en plus complexe », concède le président de la Cour des comptes, Didier Migaud, qui évoque des « règles devenues incompréhensibles ». Dans un rapport publié mercredi, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), organe rattaché à la Cour des comptes, estime que la TVA, qui devrait engendrer 156 milliards d’euros de recettes en 2016, a vu son rendement se dégrader ces dernières années. La taxe sur la valeur ajoutée, inventée par la France en 1954, avant d’être adoptée par 153 pays dans le monde, rapportait ainsi en 1970 l’équivalent de 8,6% du PIB à l’Etat français. Un chiffre tombé à 6,9% en 2014, la moyenne européenne se situant pour sa part à 7,6%. En cause: l’existence de près de 150 mesures dérogatoires, qui représentent un coût annuel d’environ 48 milliards d’euros pour l’Etat, et qui peuvent « entraîner une insécurité juridique pour les entreprises qui la collectent », selon les auteurs du rapport. D’après le CPO, pas moins de 10 taux de TVA sont ainsi appliqués en France, allant de 20% (taux normal en France métropolitaine) à 0,90% (taux le plus faible, en Corse), en passant par des taux intermédiaires ou réduits sur certains produits ou bien en Outremer, de 10%, 5,5%, 2,1% ou 1,05%. Difficulté supplémentaire: plusieurs taux peuvent s’appliquer à un même produit. Un sandwich, par exemple, est taxé à 10% lorsqu’on l’achète à la boulangerie, mais à 5,5% s’il est vendu par celui qui l’a fabriqué, et à 20% s’il est vendu avec une boisson alcoolisé dans le cadre d’une formule. « Pour couronner le tout, le sandwich est exonéré de TVA s’il est vendu à un élève dans un lycée », ajoutent les sages de la rue Cambon, qui appellent de leurs voeux « une revue générale des taux réduits » pour rendre le système plus simple et plus lisible. Le débat, récurrent depuis plusieurs années, a rebondi début décembre avec l’adoption par l’Assemblée nationale d’un taux réduit de TVA à 5,5% pour les protections périodiques, surnommée « taxe tampon ». Une baisse réclamée de longue date par les associations féministes, mais qui a remis sur le devant de la scène les incohérences dont souffre cet impôt. « C’est surtout à la suppression des taux réduits inefficaces qu’il convient de s’attaquer », estime l’institution présidée par Didier Migaud, qui critique notamment la baisse de TVA dans la restauration décidée en 2009, durant la présidence de Nicolas Sarkozy. A l’issue d’un long bras de fer avec Bruxelles, Paris avait à l’époque obtenu de passer le taux en vigueur de 19,6% à 5,5%. Les professionnels s’étaient engagés en échange à créer 40.000 emplois sur deux ans et à répercuter la baisse de TVA sur certains produits. « C’est l’archétype de ce qu’il ne fallait pas faire », estime un des auteurs du rapport, Alban Hautier. La mesure a en effet coûté 2,6 milliards d’euros par an à l’Etat, même si le taux a été relevé à 10% en 2014. Et les résultats en termes d’emplois ont été faibles, avec 6.000 à 9.000 emplois supplémentaires par an. « Le coût par emploi créé a été estimé à une fourchette de 175.000 à 265.000 euros », souligne le CPO. Soit bien plus que les dispositifs de soutien direct à l’emploi (de l’ordre de 86.000 euros par emploi) ou des exonérations de charges sur les bas salaires (entre 34.000 et 42.000 euros par emploi). « Faute d’être un instrument d’incitation économique et de redistribution efficace, la TVA doit être recentrée sur sa vocation budgétaire », conclut le rapport, qui invite notamment à « renforcer la lutte contre la fraude fiscale ».
USA, le déclin de la peine de mort
Les Etats-Unis ont exécuté « seulement » 28 personnes en 2015, le chiffre le plus bas depuis 24 ans et très loin du pic de 1999 (98 exécutions), ce qui alimente les espoirs des abolitionnistes de la peine de mort. Quel que soit l’angle par lequel on considère la sentence capitale en Amérique, force est de constater un déclin, souligne dans un rapport publié mercredi le Centre d’information sur la peine de mort (DPIC). Ainsi, seulement six Etats, sur les 31 qui appliquent la peine de mort, ont procédé cette année à la mise à mort d’un condamné. De 2014 à 2015, le nombre d’exécutions a baissé de 20%, de 35 à 28. Et simplement trois Etats ont concentré 86% des exécutions: le Texas (13), le Missouri (6) et la Georgie (5). Les condamnations à la peine capitale ont elles aussi connu un net fléchissement en 2015: les cours d’assises américaines ont jusqu’au 15 décembre infligé un verdict de mort à 49 accusés, une chute de 33% par rapport à l’année 2014. C’est également le plus petit nombre depuis le début des années 1970. Ces chiffres « ne sont pas seulement des soubresauts annuels de statistiques. Ils reflètent un plus large changement des mentalités sur la peine de mort dans tout le pays », analyse Robert Dunham, le directeur du DPIC. Il est vrai que la tendance a été accentuée par une pénurie des produits utilisés dans les injections létales: diverses firmes pharmaceutiques, pour la plupart européennes, refusent d’approvisionner les Etats-Unis en ces substances mortelles. Différents Etats ont par ailleurs suspendu les mises à mort après que le pays a connu plusieurs exécutions « ratées » depuis janvier 2014 qui ont choqué l’opinion publique, en violant manifestement le 8e amendement de la Constitution américaine qui bannit les « peines cruelles ou inhabituelles ». Même au Texas, l’Etat qui a exécuté près de la moitié des condamnés cette année, les choses évoluent rapidement. « Le Texas est passé de 48 nouvelles condamnations à mort en 1999 à un plus bas record cette année », avec seulement trois condamnations, relève Kristin Houlé, de la Texas Coalition to Abolish the Death Penalty (TCADP). Et, dans ce grand Etat du sud des Etats-Unis, les condamnations à mort sont un phénomène localisé: depuis 2011, 70% des sentences capitales émanent de seulement huit comtés (sur les 254 que compte le Texas), détaille la TCADP. Dans ce contexte favorable, les militants contre la peine de mort se prennent à rêver d’un nouveau retournement de la Cour suprême. Leurs espoirs ont été dopés par un vibrant plaidoyer pour l’abolition écrit en juin par le juge Stephen Breyer, l’un des neuf sages. La plus haute instance judiciaire américaine avait suspendu la peine capitale en 1972, avant de la rétablir en 1976. Le rapport de force au sein de la haute cour demeure théoriquement en faveur de la peine de mort mais certains pensent que le quatuor progressiste de la Cour -Stephen Breyer, Ruth Bader Ginsburg, Elena Kagan et Sonia Sotomayor- pourrait former une majorité en ralliant Anthony Kennedy, le juge conservateur modéré souvent en position d’arbitre sur les grandes questions de société. C’est le moment de présenter à la Cour suprême un cas emblématique et suffisamment controversé pour arracher le revirement souhaité, affirment certains de ces abolitionnistes. D’autres experts avertissent qu’un rejet de la Cour suprême prolongerait pendant des années l’application de la peine capitale et conseillent de suivre une stratégie Etat par Etat de moratoire ou d’abolition. « Je ne peux pas dire quelle est la meilleure approche pour les partisans ou les opposants à la peine de mort », confie à l’AFP Robert Dunham. De toute façon, « c’est à la Cour de décider si et quand elle veut écouter les arguments, quel est le dossier approprié et quel est le moment convenable ».